Le Japon face à la robotisation : maîtrise de la technologie ou peur persistante ?

Le Japon face à la robotisation : maîtrise de la technologie ou peur persistante ?

Article rédigé par Mya Benmoussa, Jeanne de Campou de Grimaldi, Anna Davila-Mann et Callista Deffobis.

Le 7 août 2020, une entreprise japonaise a obtenu pour la première fois l’accord du ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales pour la fabrication et la mise sur le marché d’un robot spécialisé dans l’assistance chirurgicale. La confiance directe accordée à la robotique japonaise dans plusieurs domaines y compris les plus sensibles tels que ceux de la médecine semble évidente. 

Dans ce pays où les traces de la modernité incarnées par les gratte-ciels font de l’ombre à   celles de la tradition des temples anciens, la société japonaise s’est continuellement constituée en entremêlant grand attachement et respect de traditions ancestrales à un développement technologique frénétique et incessant. Dans le contexte actuel d’accélération du monde, les Japonais se retrouvent aujourd’hui face à la nécessité de se  forger au sein d’un antagonisme a priori entre traditions et ambitions.

Le Japon, pays très fortement industrialisé avec un PIB ayant augmenté de plus de 70% entre les années 1960 et 1990, fut, un pays en pointe dans le domaine des nouvelles technologies dans les années 1980 et peut, aujourd’hui encore, se prévaloir d’une expertise reconnue dans plusieurs secteurs. Il demeure ainsi une référence mondiale dans le domaine de la robotique et est le premier pays producteur et exportateurs de robots industriels : il regroupe à lui seul plus de 287 000 robots en activité. Selon l’Organisation Internationale de Normalisation (OIN), les robots sont définis comme un « système commandé automatiquement, multi-applicatif, reprogrammable, polyvalent, manipulateur et programmable sur trois axes ou plus ». En plus d’être le pays le plus robotisé, il dispose également d’une avance technologique sur les composants « hardware », en d’autres termes l’internet des objets, ce qui signifie de manière littérale tous les objets physiques capables d’émettre de la donnée par des capteurs, mais aussi le réseau par lequel les données transitent et les plateformes capables de les recueillir et de les analyser. Enfin, l’infrastructure Internet très haut débit du pays est l’une des plus développées avec environ 319 to/s : leader historique sur la 3G et la 4G avec plus de 90.58% de la population connectée d’après l’union internationale des télécommunications, le Japon s’est, depuis 2020,  lancé dans la  5G. 

Le contexte économique et culturel japonais se prête à ces nouvelles technologies. En effet, depuis le début des années 70 le Japon se prévaut d’une maîtrise avancée sur diverses technologies tels que les biotechnologies, les sidérurgies… Les opinions sur ces grandes avancées sont assez polarisées puisque d’un côté on retrouve une certaine méfiance au sein de la population, et de l’autre une forme de d’émerveillement et/ou de curiosité. En effet, de nombreux économistes et sociologues se sont penchés sur ce sujet et ont étudié en profondeur la structure si particulière de la société japonaise, et les relations des individus vis-à-vis de l’avènement de la robotique et son omniprésence depuis quelques années. Nous pouvons citer à cet effet ici l’ouvrage Structures d’organisation des entreprises japonaises publié en 1994 par le professeur SUZUKI Yoshitaka, qui a étudié les nouvelles relations professionnelles suite à l’avènement de la technologie robotique. Selon lui, Au Japon, les nouvelles structures hiérarchiques nées dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre qualifiée, laissent de plus en plus de place aux robots japonais. 

Ajoutons que la question des nouvelles technologies se pose également au sein des populations rurales et plus âgées, a priori moins confrontées à cette robotisation. Ces dernières ont un attachement fort à une identité culturelle ancestrale confrontée à l’ère de la robotique.  

En ce sens, plusieurs interrogations émergent pour saisir ce rapport à la robotisation qu’entretient la société japonaise. Comment la robotisation au Japon est-elle sujette à des perceptions différenciées au sein de la société pouvant aller jusqu’à la peur chez certains habitants? Le milieu socio-économique combiné à l’âge  influencent-ils l’intensité de la peur des avancées technologiques? Existe-t-il une perte de repères socio-culturels pour certains membres de la société face à cette robotisation ? Avec quelles conséquences ? 

Si dans un premier temps l’on peut, avec une perception extérieure, être amené à penser que les Japonais craignent la robotisation eu égard à un passé traumatique avec la nouvelle technologie, cette perception extérieure doit être ensuite complètement remise en question. Enfin, il s’agira d’essayer de mesurer avec précision la place que tient la robotisation dans la société japonaise et d’exposer ce rapport complexe qu’entretiennent les Japonais de tous âges et de tout milieu social vis-à-vis de la robotisation. 

I/ Le contexte japonais peut-il laisser place à  la construction d’une peur autour de la robotique? 

  1. Une forte identité culturelle frein à la robotisation ?

Entre art et savoir-faire, le Japon est un pays riche culturellement. Cela témoigne de l’attachement aux traditions et du respect des valeurs ancrées depuis des générations telles que la beauté, l’élégance et la sérénité. Des valeurs qui s’expriment par une quête minutieuse du détail, une harmonie artistique et enfin une forme de spiritualité ressentie et vécue à travers la  nature qui  ne manque pas de la vénérer. Parmi les arts traditionnels du Japon les plus célèbres, il est essentiel de citer l’Ikebana ou l’art de l’arrangement floral inspiré du bouddhisme, la cérémonie du thé, les objets en céramique et en porcelaine, de même que les bonsaï ou arbres miniatures qui selon le Selon le Feng Shui, produisent des vibrations positives et attirent la chance, l’argent et la prospérité dans notre vie créant une connexion spirituelle avec la nature. Depuis des siècles, ces arts ne cessent de forger la culture nipponne, et se transmet de génération en génération. Le pays du soleil levant est ainsi constitué d’une réelle mosaïque de cultures pratiquée par tout un peuple. Il s’agit d’une culture de l’immobilité, de la fixité, du calme, de l’artisanat, qui semble éloignée de l’effervescence technologique.

Parmi les arts martiaux qui font la réputation de ce pays, il ne faut pas oublier de citer le sumo, une lutte traditionnelle qui est devenue un sport emblématique du pays.  Le sumo est certes un art martial mais est avant tout une combinaison de rites et de gestes religieux. Les pratiquants de ce sport se voient être considérés comme des “demi-dieux” appliquant les lois des cieux dans un sport qui permet de refléter la culture et  la tradition d’ un peuple depuis des siècles. Le domaine de l’art martial représente ni plus ni moins que le contact humain et spirituel entre les japonais. Cependant ce domaine intrinsèquement lié à la culture nipponne se voit petit à petit remplacé par des robots experts en arts martiaux, tel que le robot atlas qui attise désormais la curiosité occidentale sur un sport ancestral confronté à un développement robotique.  Ce dernier est un robot de type androïde principalement développé par Boston Dynamics, sous financement et surveillance de la Defense Advanced Research Projects Agency. Il mesure 1,88 m et est conçu pour diverses tâches de recherche et sauvetage, mais aussi de sports de combat, il a été dévoilé au public le 11 juillet 2013.

À travers cet exemple, il est possible de dire que le Japon s’est construit autour de ces traditions et est attaché à la transmission de ces dernières. Le progrès robotique et informatique qui a lieu sur le territoire apparaît alors comme paradoxal, puisqu’un tel investissement dans le futur est susceptible de mener à la perte de traditions et d’une culture ancestrale. Il y aurait donc hypothétiquement un remplacement, voire une peur de la perte de ces valeurs.

  1. Identité culturelle et développement robotique en co-construction. 

Ce paradoxe soulevé initialement peut s’expliquer de manière rationnelle. La manière dont le Japon conjugue tradition et innovations s’explique notamment  par la philosophie nippone. 

Influencée jusqu’au vingtième siècle par les courants de pensées chinois tels que le shintoïsme, c’est à partir de la seconde guerre mondiale que le Japon s’en est éloigné, pour commencer à emprunter des réflexions occidentales. Celles-ci s’appliquent aux réflexions sur l’éthique et le travail. 

Le mot qui désigne la technique en japonais est geijutsu. Il s’applique à la fois à l’artisanat et le travail manuel, la technique, et au travail plus technologique incluant l’utilisation d’outils artificiels. Cela introduit une ambiguïté autour de la technologie au Japon. Contrairement à la représentation occidentale de la relation japonaise avec le progrès robotique que l’on a tendance à faire, au Japon la différence entre artisanat et travail n’est que subtile puisqu’elle inclut l’usage de nouvelles technologies. En effet, le Japon entretient une relation particulière avec cette dernière, puisque chaque objet, ou robot créé est pensé et conçu de la même manière que des outils classiques : ils sont tous fabriqués pour répondre à un besoin de la population, et occupent parfois des fonctions que nous pourrions penser confiées essentiellement aux humains. Ainsi le robot qui prend une fonction d’hôtesse d’accueil dans un hôtel a le même  statut qu’une béquille qui aiderait quelqu’un à marcher, ce qui en fait une technologie familière. La relation qu’entretient la population japonaise aujourd’hui avec la technologie n’est donc pas empreinte de la méfiance envers l’avènement d’une “technocratie”, un monde où les robots prendraient le pas sur l’homme. Ailleurs, on retrouve beaucoup d’ouvrages dystopiques qui témoignent d’une peur d’un dépassement des hommes de la part des robots comme Le Cycle des Robots, d’Isaac Asimov.

La philosophie du Japon prône par ailleurs un renouvellement perpétuel : le philosophe Yasuhiko Sugimura, explique ainsi que la culture japonaise appelle à la célébration de l’éphémère. Il est incarné par le terme mujo, qui signifie “l’impermanence”, qui est comme une conscience de la temporalité des choses. Toutes les choses ont une fin et un recommencement, il faut donc célébrer le temps présent puisque l’on connaît sa valeur. Cela s’illustre par la célébration annuelle des cerisiers en fleurs, hanami, au cours de laquelle est célébré le printemps, mais aussi indirectement sa temporalité. Projeté sur le rapport d’un pays à la technologie, ce rapport au temps la place dans une structure d’un perpétuel renouvellement. Cette pensée est enfin reliée aux catastrophes naturelles qui peuvent toucher le pays d’un moment à l’autre, notamment à cause des risques sismiques qui ont toujours fait partie de la vie des japonais. Toutes les choses ont une fin et un recommencement, il faut donc célébrer le temps présent puisque l’on connaît sa valeur. 

Ainsi, le cas japonais est original :  l’attachement aux traditions s’accompagne d’une manière de penser les événements comme des moyens de rebondir et d’aller de l’avant. 

Entre spiritualité, éthique, culture et travail le Japon est un pays de diversité alliant diverse formes de traditions qui semble au premier abord ne pas entrer en cohésion avec la robotisation frénétique de ce pays d’un point de vue européocentré, pourtant nous allons voir qu’au sein du pays la robotique est langage courant. 

II/ L’omniprésence de la robotique au Japon 

  1. Une avance décisive dans le domaine de la robotisation

De nos jours, l’offre mondiale de robots est représentée par 52% de fabricants japonais. La robotique est considérée comme un outil essentiel de la croissance économique dans ce pays et le Japon considère le développement de la robotique comme une voie de réalisation à l’un de ses projets nommé “Société 5.0” qui mettrait en place des “entreprises du futur” s’appuyant sur de nouvelles technologies. 

Au-delà du monde de l’entreprise, les robots prennent de plus en plus de place dans le monde des loisirs avec la mise en place des Jeux Olympiques de robots en 2020 à Tokyo, un des joueurs les plus marquant de cette session n’était autre que “CUE”, le robot humanoïde basketteur de 2 mètres 08. Il fut développé pendant trois ans par le groupe Toyota et a enchaîné les lancers francs, tirs à trois points et depuis la moitié du terrain en toute autonomie. Ainsi nous pouvons voir que les robots font de plus en plus partie de la vie quotidienne des japonais. 

En 1980, 70% des robots industriels se trouvaient au Japon. D’où l’importance de ce pays dans le monde de la robotique. Leur utilisation est présente non seulement dans les usines,mais aussi au sein des compagnies automobiles ou dans plusieurs autres marchés japonais. Aujourd’hui, c’est dans la sphère automobile que ces derniers sont le plus présent avec environ 309 400 robots selon France 24. De plus, le nombre de robots capables de manipuler de petites pièces, vite et avec précision a beaucoup augmenté (pour les téléphones, les écrans, les gadgets ou autres) grâce aux avancées technologiques robotiques japonaises.

En plus des robots industriels, le Japon a toujours eu un certain intérêt pour les robots humanoïdes. Cela vient également d’une décision du gouvernement d’investir dans le développement de ces robots. Par exemple, l’entreprise Honda avait créé le premier robot marchant sur deux jambes, nommé P2. Il peut monter les escaliers et marcher à reculons. Le gouvernement japonais a donc mis en place entre 1998 et 2002 une politique robotique “Humanoid Robotics Project” pour l’intégration des robots dans la société. Il y a donc ici aussi une peur de déshumanisation avec la place de plus en plus importante que les robots humanoïdes prennent, c’est justement ce dont témoigne une étude menée par FranceInfo qui nous fait part du projet de Aldebaran mis en place par l’astronome Madani Hatim, qui souhaite travailler sur l’interaction et la communication avec des robots de compagnie qui bougent les bras lorsqu’ils parlent et sont capables de détecter nos émotions, au point ou l’interaction humaine ne sera plus nécessaire. Cette peur de la déshumanisation a souvent été représentée dans les fictions avec l’idée de se faire totalement dépasser par les robots (pas uniquement au Japon, mais étant donné que celui ci est le pays où le robot humanoïde est le plus inséré, il y a une peur davantage  présente étant donné que la place des robots est beaucoup plus actuelle que dans d’ autres pays). 

  1. Une inquiétude différenciée de la robotisation au sein de la société japonaise.

La présence des robots industriels ne cesse d’augmenter. Ils sont de plus en plus présents dans les industries et le processus d’empiècement de produits. Ces robots industriels remplacent un coût de main d’œuvre plus cher et rendent les productions moins coûteuses grâce à leur productivité. En effet, ces derniers ne requièrent pas de salaires et sont moins contraignants (jours de repos, maternité, maladies…). Etant donné que ces robots deviennent petit à petit substituables à une main d’œuvre peu ou pas qualifiée on assiste à une hausse du chômage technologique soit une hausse de 2.8% au Japon depuis les années 2000  selon l’OCDE. 

         Ajoutons que cette peur de la déshumanisation que pourraient installer les nouvelles technologies, notamment les robots, ne vient pas uniquement d’une angoisse dystopique dans laquelle les robots prendraient le contrôle des vies, des Etats, de tout ce qui  entoure la société nippone. Elle provient aussi d’une réalité qui est de plus en plus constatée par beaucoup de catégories de populations au Japon. Tout d’abord, une très grande part de la population japonaise a de fortes raisons de se méfier des nouvelles technologies. Effectivement, l’apparition d’intelligences artificielles et de robots de plus en plus perfectionnés et “humains”, c’est-à-dire humanoïdes, avec un corps, un visage, des jambes et des bras, met en péril une multitude de métiers exercés par une grande partie de la population. C’est le cas par exemple des métiers qui se trouvent dans le domaine informatique, notamment la programmation, mais aussi des travaux comme caissière ou encore hôtesse d’hôtel, métiers auxquels l’on ne pense pas toujours de par leur invisibilité aux yeux de la société. Ces métiers se trouvent de plus en plus remplacés par des intelligences artificielles, par des nouvelles inventions qui se trouvent être davantage rentables pour les sociétés grâce à leurs continuelles disponibilités et leurs champs d’actions. D’après le rapport publié par le journal Mainichi, en 2017, 34 emplois dans le domaine de l’assurance ont été remplacés par un seul et unique robot capable d’effectuer les tâches de manière plus efficace. 

          De plus, si la technologie se trouve de plus en plus perçue d’un mauvais œil et voit sa réputation chuter chez les habitants les moins confrontés à celle-ci), c’est par les différences qu’il existe entre les populations habitant en ville, qui émettent déjà des réserves quant à ces technologies, et les populations habitant en milieu rural. Effectivement, les nouvelles technologies amènent avec elles des avantages, des bienfaits et des réponses à certaines demandes mais aussi, de par cela, un changement dans les manières de voir et d’approcher le monde et la société, d’envisager l’avenir et le passé, soit des cultures et traditions. Une culture plus qu’ importante et respectée par une majorité de la population japonaise qui suivent fêtes, cérémonies, mœurs et traditions ancestrales depuis des centaines d’années. Plusieurs citoyens témoignent par ailleurs de leur peur d’une exclusion sociale et d’un trop grand décalage avec les générations plus jeunes. En ce sens, la peur d’une dépendance sociétale complète vis-à -vis des robots semble voir le jour, comment se projeter lorsqu’on ne sait pas? 

  1. D’un point de vue pragmatique, la robotique vient seulement remplacer un déficit de main-d’oeuvre

La hausse des besoins en termes de robots répond aussi à des enjeux sociaux au Japon comme celui du déclin démographique et du vieillissement de la population.

En effet, la population active du Japon diminue depuis 1995, à l’instar de nombreux pays développés. La singularité du Japon provient de son déclin démographique : la population totale du Japon ne cesse de diminuer depuis 2007 et cette baisse va s’accélérer dans les 30 prochaines années d’après l’étude menée par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en 2019. 

Le vieillissement et le déclin démographique pèsent déjà sur le système de santé et de retraite, la croissance, l’équilibre budgétaire et donc la dette. En 2050, les plus de 65 ans représenteront près de 40% de la population contre 28% en 2018. Le déficit public du pays pourrait dépasser les 15% du PIB, la dette publique dépasserait les 600% du PIB d’après les recherches du professeur Sagiri Kitao de l’Université de Tokyo. 

Ainsi afin de lutter contre ce déclin démographique le japon met en place un soutien à une politique axée sur l’innovation, l’intelligence artificielle et l’internet des objets pour parvenir à une meilleure allocation de la ressource travail, contrebalancer le manque de facteur travail, et créer de nouveaux débouchés bénéfiques à l’économie : soins aux personnes âgées, nouveaux services pour les banques / assurances / fonds de pension, produits avec rendement amélioré et capital garanti rapidement. 

III/ Une peur maîtrisée de la robotisation au Japon. 

  1. La peur de la robotisation au sein des mythologies occidentales alimentant l’ignorance de la question

Les premières mentions aux créatures artificielles créées par l’Homme apparaissent dans la mythologie grecque, avec le mythe de Pygmalion ou encore dans la mythologie juive avec le mythe du Golem. Le fil conducteur de ces histoires était récurrent : l’idée selon laquelle un jeune prodige allaient parvenir à créer une créature dont il allait tomber amoureux, mais celle-ci parviendrait à se détacher du contrôle de l’Homme, et se retournerait contre celui et l’ensemble de la race humaine afin d’atteindre une domination de la machine intelligente.

 En ce sens, à travers les exemples des différents mythes nous pouvons tirer la conclusion qu’un mythe s’est construit depuis des  siècles autour de l’idée selon laquelle les “machines intelligentes”, aujourd’hui appelées “robots” finiront par se retourner contre le créateur et avoir un aspect “malveillant”. En ayant fait un retour dans l’histoire de la peur créée autour de la robotisation nous pouvons voir que celle-ci relève d’un caractère irrationnel basé sur des idées reçues par des ouvrages fiction mais aussi d’un développement peu maîtrisé voir inconnu.  Cette peur de l’inconnu est renforcée chez les populations les moins confrontées à la robotique dans la vie quotidienne, en étant peu  voir pas confrontées à ces robots et cette avancée  incessante en termes de technologie. Cela  laisse place à une faible connaissance sur le sujet pouvant alors se transformer en une forme de peur de l’inconnu. 

  1. Le Japon : une relation ambiguë à la peur

D’un point de vue eurocentré, la perception japonaise de la technologie peut paraître contradictoire. En effet, c’est un pays qui a fait face aux bombardements atomiques des villes d’Hiroshima et de Nagasaki, puis plus tard en 2011 l’accident nucléaire de Fukushima. D’après l’article réalisé par Alexandre Roy en 2015 dans son ouvrage : The Emergence of Economics in Japan during the Second Half of the Nineteenth Century and the First Japanese Works on Economic History, il s’agit d’événements qui ont profondément marqué la société japonaise. En réaction au bouleversement causé par ces événements, le Japon s’est lancé dans le développement incessant de nouvelles technologies afin de dépasser les Etats-Unis en termes de dotations technologiques. La société nippone fut entièrement bousculée par cette croissance incessante. Nous pouvons ainsi expliquer l’hypothèse selon laquelle, la peur générée par les bombes atomiques en août 1945 et la destruction les ayant accompagnées ont ainsi généré la volonté japonaise de contrôler ce qui a détruit une population entière (ici l’avancée technologique). Les mécanismes psychologiques peuvent être complexes. Et cette idée souligne  un changement dans la perception du progrès technique qui s’est ici transformé en progrès robotique. En effet, on comprend mieux comment la peur initialement ressentie envers ces armes a été remplacée par un désir de comprendre leur fonctionnement et de contrôler leur utilisation. Le développement frénétique de la robotique et la découverte du nucléaire a suscité une profonde terreur dans le monde entier, en raison de son pouvoir destructeur et de sa capacité à anéantir des villes entières en un seul coup. Ainsi, le désir de contrôler le progrès a pris le dessus sur la peur qu’il avait initialement engendrée. Le Japon s’est relevé des atteintes portées au territoire, grâce à sa philosophie prônant ce perpétuel renouveau. 

  1. Une jeunesse confiante face à l’avènement des nouvelles technologies.

Nous avons pu interroger deux jeunes japonais issus de classe aisée. Ainsi, si on forme une nouvelle hypothèse sur leurs témoignages, nous pouvons penser que la jeunesse dorée du Japon ne craint pas le progrès et témoigne d’une certaine indifférence quant à la vision qu’on pourrait en avoir.  

Yuri, 17 ans, témoigne : 

« I don’t think Japan’s robotization has become a phenomenon of fear, so I don’t think I understand this question well. Since I have a Japanese perspective, I naturally have a good impression of Japanese technology. I’m glad you asked about it, but I think it’s a problem that students from other countries notice. » 

“Je ne pense pas que la robotisation au japon soit un sujet laissant place à la peur, donc je ne pense pas bien comprendre cette question, puisque j’ai une vision japonaise j’ai forcément une bonne impression quant à la technologie présente dans mon pays. Je suis content que vous m’ayez posé cette question, mais je pense que c’est un problème que des étudiants d’autres pays remarquent”.

Ce témoignage nous montre que notre étude est empreinte d’un sentiment qui n’est peut être que propre à notre perception occidentale des choses. 

Un second témoignage, de Masa 20 ans :

« In my opinion, I don’t fear technical progress like robots, because it will be important for Japan’s growth. Japan is in the problem of decreasing population now. Therefore we had better depend on the Robots to help the country’s industry.  Also I think it does not do the damage for working class due to decreasing the population »

“De mon point de vue, je n’ai pas peur du progrès technologique vis à vis des robots, car je pense qu’il est important pour le développement de notre pays. Le Japon fait face au défis de la baisse démographique aujourd’hui. Les robots sont donc essentiels pour aider l’industrie du pays. Enfin je ne pense pas que ce développement impacte les travailleurs au vu de la baisse de la population et donc de mains d’oeuvres”. 

Ce second témoignage fait part de la baisse démographique du japon qui est de près de 800 000 habitants en 2022 selon les chiffres officiels, ce qui en fait une seconde raison pour les japonais pour laquelle ils ne s’inquiètent pas du progrès technique. 

Conclusion : 

En somme, à travers notre démarche, nous avons vu que les habitants du Japon, contrairement à ce que nous pouvions penser initialement, n’ont pas particulièrement peur du progrès technique et de la robotique. Le Japon se positionne comme un leader mondial dans le domaine de la robotique, avec une expertise reconnue et une forte présence de robots industriels sur son territoire. La société japonaise, marquée par un attachement aux traditions ancestrales et un développement technologique incessant, semble trouver un équilibre entre ces deux aspects apparemment contradictoires. La relation entre le Japon et la technologie est caractérisée par une approche pragmatique et une intégration harmonieuse de la robotisation dans la vie quotidienne. La philosophie japonaise, prônant le renouvellement perpétuel et la célébration de l’éphémère, contribue à cette acceptation de la technologie comme un moyen de progresser. Bien que certaines interrogations et polarisations subsistent au sein de la société japonaise, la robotisation est largement perçue comme une opportunité de croissance économique et de développement futur, conformément à la vision de la “Société 5.0” du pays. Ainsi, le Japon combine identité culturelle, traditions et avancées technologiques pour façonner une société où la robotique occupe une place prépondérante.

Sources : 

Livres : 

Philippe Pelletier : Japon: crise d’une autre modernité (2003), Belin

Okakura Kakuzō : Le Livre du Thé (1906), Synchronique Editions

Isaac Asimov : le cycle des robots (1950), J’AI LU

Magazines et revues : 

Clément Lacombe : une culture japonaise ancestrale ( 2016) :  OBS 

Chantal Jaquet Transclasses ( 2020) :  Philosophie magazine

Sites internet et page de sites : 

 Robot dans la littérature : https://fr.wikipedia.org/wiki/Robot_dans_la_litt%C3%A9rature 

Japon infos : https://www.japoninfos.com/les-technologies-made-in-japan-les-plus-marquantes.html 

UNESCO : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000133532 

OECD : https://www.oecd.org/fr/innovation/inno/46718493.pdf 

Business France Tech https://www.businessfrance-tech.fr/2022/04/28/la-societe-japonaise-de-demain/   

Hyper Connectes : https://www.hyperconnectes.fr/le-japon-pays-des-nouvelles-technologies/ 

Courrier international : 

Nippon : https://www.nippon.com/fr/news/yjj2023020600095/ 

Japon Infos : https://www.japoninfos.com/la-philosophie-japonaise-et-lecole-de-kyoto.html 

Ministre de l’économie des finances et de la souverainté industrielle et numérique : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2019/08/16/japon-impact-du-vieillissement-demographique-en-macro-economie 

France info : 

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/nouveau-monde/faut-il-avoir-peur-des-robots_1772713.html

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