Le génocide arménien est-il à l’origine d’une peur structurelle intergénérationnelle ?
On mai 24, 2023 by labo recherche StandardArticle rédigé par Sarah Autard (Terminale), Sarra Jahid (Terminale), Alia Hanafi (Terminale), Mona Turban (Terminale) –
Résumé :
Le génocide arménien a causé des traumatismes profonds et durables au sein de la communauté arménienne. En effet, les survivants ont vécu la peur de l’extermination et ont été forcés de s’assimiler à la culture turque pour survivre. Le patrimoine culturel arménien a été délibérément détruit par les autorités turques, ce qui a conduit à l’acculturation des jeunes Arméniens. Ainsi, la peur structurelle intergénérationnelle découle de ces événements, avec une transmission de la peur et du traumatisme de génération en génération. Par ailleurs, le silence officiel imposé par le gouvernement turc a empêché les victimes de parler des atrocités subies, créant une colère profonde au sein de la communauté arménienne qui se bat pour que ces événements tragiques ne soient pas oubliés et cela en effectuant notamment un devoir de mémoire. De ce fait, la transmission indirecte du traumatisme s’est produite à travers les enfants des survivants, qui ont développé de l’anxiété et ont hérité de la peur de leurs parents. L’épigénétique joue peut-être également un rôle, car les événements traumatiques pourraient influer sur l’expression des gènes et être transmis à la descendance. Ce silence a également engendré de la haine et de la colère, avec certains membres de la communauté arménienne exprimant leur souffrance à travers des actes terroristes ou – de façon cathartique – dans les arts. La transmission de la peur varie selon les expériences individuelles des survivants, des témoins et des exilés. Par ailleurs, les témoignages, y compris ceux des témoins non-arméniens, ainsi que les photographies prises par des témoins, ont contribué à la transmission de l’expérience du génocide. La diaspora arménienne a également été marquée par le génocide. Dans l’ensemble, le génocide arménien a engendré une peur structurelle intergénérationnelle profonde, qui continue d’influencer la perception du monde des Arméniens et renforce leur détermination à préserver leur culture, à lutter pour la reconnaissance et à demander justice.
Introduction
« Le génocide arménien est un crime qui ne peut être ni effacé ni oublié »: telles sont les paroles de Serge Sarkissian, ancien président de la république d’Arménie, prononcées lors d’un discours commémoratif du génocide arménien le 24 avril 2017, marquant le 102ème anniversaire de la tragédie. Un génocide correspond depuis les travaux d’Hanah Arendt à l’extermination systématique et intentionnelle d’un groupe de personnes en raison de leur religion, de leur origine ethnique ou de leur nationalité, perpétrée par un gouvernement, une organisation ou une armée. À partir de 1948, il est considéré comme un crime de droit international, et interdit par la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide par les Nations Unies. Le génocide arménien est l’un des premiers génocides du XXème siècle . De 1915 à 1923, la population arménienne fut persécutée, exterminée et déportée par les forces ottomanes turques.
Cet événement a eu un impact profond et durable sur la communauté arménienne qui l’a intériorisé et incorporé dans son identité. Ainsi, une peur structurelle intergénérationnelle s’est développée depuis le traumatisme initial du génocide. Elle se manifeste par un sentiment d’insécurité et de vulnérabilité qui persiste encore aujourd’hui et qui se transmet de générations en générations plus d’un siècle après le génocide. En raison de cette peur, les descendants des Arméniens ayant connu le génocide peuvent développer un sentiment de méfiance et une aversion pour les discussions sur le génocide. Ce traumatisme peut également influencer les relations familiales, la santé mentale et les comportements sociaux des descendants.
Une étude sur le lien entre la perception du génocide arménien et le bien-être psychologique de la communauté arménienne, mené auprès de la diaspora arménienne du Canada, a ainsi été réalisé par Françoise Garabed. Cette dernière a démontré que les mémoires traumatiques arméniennes sont toujours présentes au sein de la population arménienne. Cet impact s’observe, non pas au niveau de l’aspect psychologique, mais au niveau de l’acculturation de cette diaspora, terme sociologique qui se définit comme étant des modifications des modèles culturels de base de deux ou plusieurs groupes d’individus, de deux ou plusieurs ethnies distinctes, résultant du contact direct et continu de leurs cultures différentes. Au sein de la population arménienne, l’acculturation est rendue plus difficile. Cela se manifeste, notamment au sein de cette étude par Richard G. Hovannisian. L’acculturation est selon lui rendue plus difficile à cause du traumatisme qu’a développé le génocide arménien. En plus de l’importante perte démographique arménienne (entre 1,5 et 2 millions d’Arméniens ont été tués lors du génocide), de nombreux arméniens ont été contraints de quitter leurs patries, formant des diasporas dans le monde entier qui compte entre 7 et 10 millions d’individus, rendant la transmission et la conservation de la culture arménienne difficile et segmentée. L’étude souligne également que le traumatisme intergénérationnel, dans n’importe quelle communauté culturelle, continue plus largement d’influencer la façon dont la communauté perçoit collectivement le monde autour d’elle.
Par ailleurs, Hasmig Krikorian, dans son ouvrage Les lettres de la SPF (Société des Psychanalystes Freudiens) explore les effets de la haine chez les héritiers du génocide des Arméniens. L’auteure démontre comment la douleur et la haine sont transmises: les héritiers du génocide, même si ces derniers n’ont pas vécu directement les atrocités, portent les cicatrices psychologiques et émotionnelles de leurs ancêtres. Ces émotions ont notamment été exprimées par le biais de l’art, permettant ainsi de transmettre et de témoigner de la mémoire de la tragédie aux générations suivantes. Dans le domaine de la peinture, Arshile Gorky a peint des oeuvres évoquant l’expérience du génocide et la souffrance collective du peuple arménien, tel que le tableau Agony. Dans le domaine de la musique, de nombreux artistes ont réalisé des compositions en lien avec le génocide arménien, notamment Charles Aznavour dans la chanson « Ils sont tombés ». Toutes ces œuvres témoignent d’une mémoire traumatique dont les plaies demeurent encore ouvertes. Les arméniens cherchent donc à obtenir une justice et une reconnaissance des atrocités commises envers leur communauté, en n’oubliant pas que la Turquie ne reconnaît toujours pas ce crime contre l’humanité. Cette mémoire traumatique se double donc d’un sentiment d’injustice au sein des communautés arméniennes. Hasmig Krikorian observe aussi les répercussions qu’a eu cet événement, après le génocide et encore de nos jours, sur les relations entre les communautés arménienne et turque: le négationnisme turc, c’est à dire la position idéologique consistant à nier l’existence du massacre de la population arménienne, alimente les tensions et les conflits entre ces communautés. En nous appuyant, entre autres, sur ces deux ouvrages, nous chercherons à montrer comment le génocide arménien a engendré une peur structurelle et intergénérationnelle. Dans cette étude, nous allons établir en premier lieu un constat concernant le génocide arménien sur la contextualisation et les origines du génocide arménien, les particularités de ce génocide et les conséquences que cet évenement a apporté sur la population arménienne. En second lieu, nous étudierons la transmission de la peur et du traumatisme, différenciée par plusieurs facteurs.
- Constat du génocide
Contextualisation et origines
Le génocide arménien s’est produit dans un contexte où les chrétiens arméniens étaient en minorité au sein de l’Empire Ottoman et le processus génocidaire a connu plusieurs étapes. En premier lieu, la montée du nationalisme turc et du panturquisme, ainsi que la création du parti Union et Progrès, ont joué un rôle clé dans la marginalisation des Arméniens. L’idéologie ottomaniste prônait l’idée d’une union de tous les citoyens de l’Empire, mais elle a surtout renforcé le turquisme et le panturquisme, qui favorisent l’identité et les intérêts turcs au détriment des autres groupes ethniques et religieux. Ainsi, les Arméniens étaient menacés et contraints de choisir entre l’exil ou la conversion à l’islam, les forçant à abandonner leur identité et leur culture. Parallèlement, le déclin de l’Empire ottoman et les mouvements d’indépendance des peuples non turcs ont créé une pression supplémentaire sur les Jeunes-Turcs au pouvoir. Dans une tentative de maintenir leur domination politique, ils ont mené un coup d’État en assassinant le ministre de la guerre et neuf dirigeants du parti. Loin de calmer les tensions, cet événement a marqué le début d’une répression encore plus violente contre les Arméniens. Par ailleurs, cette révolte des Jeunes-Turcs a été suivie par une campagne de violence massive visant à éliminer systématiquement la population arménienne. De ce fait, des massacres, des déportations forcées, des viols et des exécutions ont été perpétrés dans le cadre d’une politique d’anéantissement. Les Arméniens ont été dépossédés de leurs biens, déplacés de force vers des régions désertiques ou tués en masse. Le processus génocidaire perpétré contre les Arméniens s’est caractérisé par des massacres, des déportations forcées et des famines délibérément orchestrées. Les déportations et les famines ont été utilisées comme armes de destruction massive, visant à éradiquer la population arménienne et à effacer leur présence historique dans la région. Les témoignages et les preuves historiques indiquent clairement que le génocide arménien était une entreprise systématique et planifiée, dirigée par les autorités ottomanes. Il convient de noter que d’autres massacres avaient déjà été organisés par les Ottomans à l’encontre de cette minorité. En effet, dès la fin des années 1880, une organisation politique avait été créée, par et pour la population chrétienne arménienne, appelée le Mouvement de Libération Nationale Arménienne, dans le but d’obtenir une plus grande autonomie. Les soupçons des Ottomans quant à la loyauté de la communauté arménienne augmentent alors, conduisant à un massacre d’au moins 80 000 Arméniens suite à une tentative de révolution arménienne le 17 octobre 1895.
Ce génocide, connu sous le nom de “Medz Yeghern” ou “Aghet” en arménien, signifiant « le grand crime » ou « la catastrophe », a entraîné la mort d’entre 1,5 et 2 millions d’Arméniens. Par ailleurs, pendant la Première Guerre mondiale, le régime ottoman avait pour projet de « turquifier » la province d’Anatolie en confisquant les biens des Arméniens déportés ou assassinés et en les redistribuant à d’autres citoyens afin de les encourager à participer à ce projet en attaquant leurs voisins. En effet, en plus des stéréotypes liés à la religion selon lesquels les Arméniens étaient perçus comme infidèles en vue de leur adhésion au christiannisme, les autorités ottomanes ont alimenté la peur et la méfiance envers les Arméniens, les accusant de conspirations, de trahison et d’alliances avec les ennemis de l’Empire au travers d’une propagande et de discours de haine. En raison de ces stéréotypes erronés, les citoyens turcs estimaient à tort que la population arménienne était riche.
Malgré sa reconnaissance en tant que comme un crime contre l’humanité par 29 autres États, le génocide n’est toujours pas reconnu par l’État turc à ce jour. La question de la reconnaissance du génocide arménien par l’État turc est un sujet complexe et controversé. Bien que de nombreux pays et organisations internationales aient reconnu le génocide arménien, la Turquie continue de nier officiellement les événements de 1915 en les qualifiant de « réinstallations forcées » liées à la guerre. Cependant, il existe également des voix au sein de la société turque qui appellent à une reconnaissance et à une réconciliation historique afin de soulager la mémoire de ce génocide. Des intellectuels, des universitaires et des militants des droits de l’homme en Turquie se sont engagés dans des initiatives pour confronter le passé et promouvoir la vérité et la justice. C’est le cas de la romancière turque Elif Shafak qui a abordé le sujet du génocide arménien dans ses œuvres littéraires. Elle a écrit sur les conséquences intergénérationnelles du génocide et a plaidé en faveur de la reconnaissance et de la justice pour les victimes arméniennes. Malgré les défis et les pressions politiques, ces voix continuent de plaider en faveur de la reconnaissance et de la réconciliation.
La population touchée par ce génocide endure des séquelles profondes et durables. Les Arméniens portent en eux les traumatismes engendrés par la peur, ainsi que la crainte persistante de l’extermination. Au niveau de la négation et de l’oubli de l’identité culturelle et la douleur engendrée par cette atrocité, que ce soit par leurs propres expériences, les récits des survivants, ou les pertes subies, qu’ils soient directement touchés, témoins ou enfants de survivants, chaque individu de la communauté arménienne est marqué par ce génocide qui a laissé des cicatrices indélébiles dans leur histoire et leur mémoire. Ces cicatrices sont inscrites dans la mémoire collective des Arméniens, continuant de forger leur identité, rappelant les souffrances inimaginables endurées par leur peuple. Les générations actuelles et futures des Arméniens sont ainsi influencées par cette tragédie, qui façonne leur perception du monde et renforce leur détermination à préserver leur héritage culturel et à œuvrer pour la reconnaissance et la justice.
Caractéristiques du génocide arménien
Ce génocide est marqué par la destruction de la culture matérielle ou immatérielle arménienne. La politique génocidaire de la Turquie ne se limite pas simplement à la volonté de détruire systématiquement la population arménienne, mais va au-delà, en détruisant toutes les traces laissées par cette nation. Le gouvernement turc va pendant cette période mener des destructions d’églises arméniennes, par le démembrement de l’institution chrétienne en exécutant des membres du clergé, en spoliant des églises pour ensuite revendre les biens qui s’y trouvaient, mais aussi par la disparition volontaire de manuscrits religieux anciens. Cette politique d’anéantissement du patrimoine culturel arménien a causé, d’après les données de l’UNESCO de 1974, la disparition de 464 édifices arméniens pillés, brûlés et détruits, en majorité des édifices religieux, qui ont été pour certains transformés en mosquée, afin de supprimer toutes traces de ce peuple sur le territoire turc et de son importance dans l’histoire de la Turquie. De plus, les autorités turques se sont servies de ces bâtiments arméniens comme cible pour des manœuvres militaires, ou bien ils ont été reconvertis en étables, entrepôts ou encore de prisons. Aujourd’hui, 90 % des noms propres d’anciennes régions arméniennes, présentes en Turquie actuelle ont été turquifiées, marquant une fois encore une volonté d’effacer même sur les cartes tout ce qui s’apparente à la culture arménienne.
Plus globalement, à la suite de la destruction de la culture arménienne, un processus d’acculturation se met en place chez les jeunes populations arméniennes, qui vont de force s’assimiler à la culture turque. On parle alors de “turquification”, un phénomène qui a touché une grande partie des Arméniens et qui a débuté en 1915. Au cours de ce processus d’assimilation culturelle et ethnique, les populations arméniennes sont contraintes de parler turc, de changer leur prénom, ainsi que d’appliquer les traditions turques pour survivre et éviter la persécution du gouvernement.
S’ajoute à cela une islamisation forcée des Arméniens, afin d’échapper à la campagne d’expulsion promulguée par la loi votée le 25 mai 1915, qui prévoyait de déplacer les Arméniens de leur province et de les installer sur d’autres régions de l’Etat ottoman.
Puis, selon l’ordre officiel du 10 juillet 1915, tout enfant arménien et orphelin ayant survécu au génocide est , par la volonté de l’État, islamisé et turquifiés. Et ce, soit en étant emmenés de force chez des familles musulmanes turques, ou bien en étant rassemblés dans des centres de turquification, comme le collège Saint-Joseph d’Antoura, dans lequel 2000 de ces enfants rescapés ont été dépossédés de leur nom et de leur religion afin deviennent de réels citoyens Ottoman. De surcroît, tout rappel à leurs origines arméniennes était puni par des violences physiques, un traitement qui s’apparente aux écoles résidentielles canadiennes, destinées à scolariser, évangéliser et assimiler les enfants autochtones.
Les survivants arméniens ont alors vécu le reste de leur vie sous une nouvelle identité, et leur origine est désormais ignorée de leur descendance. Cependant, depuis les débuts des années 2000, et notamment dès 2004 avec la sortie de l’ouvrage Le livre de ma grand-mère de Fethiye Çetin, le processus de turquification durant le génocide est pour la première fois réveler au grand public, et a permis l’émergence du phénomène de la « crise de l’identité ethnique arménienne ». En effet, de plus en plus de Turcs découvrent qu’ils ont en réalité des origines arméniennes, puisque ce n’est que depuis les années 2000 que de nouveaux cas d’enfants enlevés par le génocide sortent au grand jour. Des faits, qui sont notamment mis en avant dans l’ouvrage Les petits enfants de Fethiye Çetin. Cette avocate et militante des droits de l’Homme turque aux origines arméniennes consacre ses écrits sur la découverte de l’identité arménienne en retraçant les événements et les caractéristiques du génocide, grâce aux témoignages de vingt-cinq descendants de survivants du génocide arménien qui raconte des secrets cachés et effacés de l’histoire officielle du génocide arménien.
Ces politiques de turquification et d’islamisation ne se limitent pas à la période du génocide, puisque cette interdiction de préserver leur identité culturelle et religieuse, a encore aujourd’hui un impact sur les Turcs d’origines arméniennes, qui ont été, et qui le sont toujours pour certains, privés de l’histoire et de la culture de leurs ancêtres.
Les manifestations de la peur au lendemain du génocide
Le traumatisme laissé par ces politiques turques d’annihilation de l’identité arménienne est ancré profondément, hier comme aujourd’hui, dans l’esprit du peuple arménien, concernant aussi bien les communautés de la diaspora arménienne qui se sont formées à travers le monde suite à l’exil de masse, que ceux qui ont pu il y a de ça un siècle survivre en Turquie.
Ainsi, les manifestations de la peur liées à ce traumatisme sont nombreuses. On retrouve dans un premier temps chez les survivants la peur que la violence systémique continue, après avoir assisté à l’anéantissement de leur culture et aux tueries de leur peuple et de leurs proches. Une peur ancrée chez les populations arméniennes au lendemain du génocide et qui se manifeste par une méfiance durable envers le gouvernement turc, aggravée par la décision de continuer d’ignorer et de nier ce génocide. S’en découle alors la peur de l’oubli, non seulement des massacres commis, mais aussi de l’oubli de la culture arménienne qui a voulu être effacée par les politiques génocidaires d’harmonisation de la Turquie. Une peur de l’oubli qui se voit aussi étroitement liée à la peur de voir ces événements historiques se répéter, sans la connaissance des faits passés et sans la reconnaissance par la Turquie de la nature génocidaire de ces massacres.
Cependant, aujourd’hui pour faire face à la peur de la violence et de l’oubli de la mémoire collective arménienne, en Turquie près de 60 000 à 70 000 personnes revendiquent ouvertement leur appartenance à la communauté arménienne, malgré la peur persistante de la discrimination et de l’exclusion de cette minorité en Turquie. Un chiffre qui est en réalité bien plus élevé, mais que l’on ne peut pas énoncer avec précision en raison de la turquification massive, et des descendants arméniens qui aujourd’hui ignorent leurs origines. Ces revendications identitaires arméniennes, se manifestent par exemple par la commémoration de la mémoire collective arménienne, notamment lors du centenaire du génocide le 24 avril 2015, où des oeillets blancs arborent les rues non seulement en Arménie mais également à l’étranger. À la même date, des commémorations du centenaire ont pris place à Marseille où 10 000 personnes majoritairement issues de la diaspora arménienne furent rassemblés, et plus récemment, le 24 avril 2023, marquant les 108 ans du génocide, date à laquelle des manifestations pour sa reconnaissance et pour une justice ont eu lieu à Los Angeles aux États-Unis. La commémoration de ce génocide est désormais mondiale. Tous ces efforts de revendications pour obtenir la reconnaissance du génocide arménien par la communauté internationale mais aussi en Turquie et en Arménie, continuent de rassembler les Arméniens et d’être une priorité pour l’ensemble du peuple qui ne cessera son combat seulement quand justice sera rendue. En effet, cette reconnaissance représente une étape cruciale pour honorer la mémoire des victimes et de l’Arménie, et pour dépasser, ou du moins mieux assumer, les peurs profondes qui sont ancrées encore aujourd’hui chez les populations arméniennes.
Les effets de la peur liés à ce traumatisme qu’est le génocide ont également eu un impact sur la santé mentale et les relations familiales des Arméniens ayant assisté directement aux événements génocidaires, mais aussi sur celles de leurs descendants, allant de la seconde à la quatrième génération d’Arméniens depuis le génocide. Une peur transmise et qui se manifeste par des syndromes post-traumatiques chez les premières générations de survivants. Des études plus poussées à ce sujet ont été réalisées par des victimes d’autres génocides, de la Shoah notamment, et qui ont révélé des syndrome anxieux et dépressif permanent, des troubles caractériels ou encore des troubles du sommeil. Des spécificités de la peur qui ont été engendrées par les massacres et persécutions dont les survivants ont été témoins, mais aussi par le déni de la reconnaissance des crimes par les auteurs du génocide. Des symptômes de traumatismes secondaires ont pu également être détectés chez les individus qui s’identifient à la culture arménienne et dont l’expérience traumatique d’un membre de la famille survivant leur a été transmise. Une transmission chez les descendants des survivants qui s’effectue à travers les récits et témoignages de leurs familles ou bien à travers des traces physiques des erreurs commises, comme des photographies. Ainsi, certains mécanismes de défenses face à la peur de revivre des événements similaires se sont créés au sein de sphères familiales arméniennes, on y retrouve notamment des pratiques liées à la protection contre le mauvais œil, qui symbolise de repousser le mal.
Le génocide arménien a donc eu des répercussions durables sur la population arménienne, sur son identité culturelle, sa mémoire collective et communautaire, par un traumatisme et des peurs communes qui rassemblent toute la communauté, présente aussi bien en Turquie ou en Arménie qu’à l’étranger.
- La transmission de la peur et du traumatisme
Une transmission différente selon le degré d’exposition au génocide
Dans le cas très particulier d’un génocide, c’est non seulement une population toute entière qui est traumatisée, mais il en découle également une peur structurelle intergénérationnelle. Par-là, on entend que les effets psychologiques et cliniques sont d’une telle ampleur qu’ils se répercutent sur plusieurs générations. La transmission intergénérationnelle de la peur diffère cependant selon les individus. Il est notable que les parcours sont différents entre survivants (qu’ils soient restés en Turquie ou non), témoins et exilés. Les récits content le génocide d’un point de vue distinct. En fonction du parcours, le vécu n’est pas le même: chacun rapporte une expérience de la peur différente. Il s’agit de mémoires individualisées du génocide. Il n’est évidemment pas question de hiérarchiser ces vécus, mais de mieux en comprendre les modes de transmission.
Néanmoins, pour le génocide arménien, il est question de “traitement du silence”, expression utilisée pour se référer au négationnisme turc. C’est-à-dire que la population arménienne n’a dans un premier temps pas pu s’exprimer sur les atrocités vécues. Cependant, dans le cas de mémoires douloureuses, la reconnaissance de la souffrance des victimes est nécessaire dans le processus de guérison. Ici, cela n’a pas été le cas puisque le génocide a été camouflé et tombé dans l’oubli après la proclamation de la République turque par Mustapha Kémal en 1923. Cela est notamment dû au fait que la Turquie n’a pas reconnu et ne reconnaît toujours pas le génocide. Au lendemain de la Première guerre mondiale, le “génocide” arménien n’a pas cette appellation, qui n’est pas encore un terme juridique en 1918. Il est qualifié de “crime de masse”. Mais alors, quand le monde ne reconnaît pas les souffrances d’un peuple entier, il est difficile pour les victimes de libérer la parole face à l’enfer vécu. Ainsi, les responsables politiques turcs nient l’existence du massacre, qui finit par tomber dans l’oubli jusqu’à sa reconnaissance mondiale dans les années 1980. On parle du silence officiel imposé par le gouvernement turque allant jusqu’à réécrire l’histoire officielle qui est alors différente des mémoires communautaires.
Cependant, le silence n’empêche pas pour autant la transmission. Paradoxalement, le vécu se transmet tout de même en l’absence de mots, et c’est parfois bien plus violent. Il est évident que le silence après un tel traumatisme est très évocateur. Dans le cadre familial, l’enfant dont les parents sont survivants du génocide, et qui gardent le silence, développe de l’anxiété face au traumatisme de ses parents et se l’approprie. Garder le silence, c’est ne pas verbaliser ce qui s’est passé. Ainsi, c’est la porte ouverte à l’enfant d’imaginer les pires atrocités, et de vivre sous le poids du silence. De ce fait, les enfants de survivants sont plus enclins à la dépression et au stress post-traumatique. De plus, l’épigénétique entre désormais également en compte. Cette discipline controversée qu’est l’épigénétique se définit comme l’étude de l’ensemble de processus moléculaires qui modifient l’expression des gènes sans changer l’ADN. C’est-à-dire que selon les évènements vécus par une personne, en fonction de l’intensité, cela peut avoir des conséquences biologiquement héréditaires, qui se transmettent donc à la descendance sur quelques générations. Alors, si une grande partie des survivants ne parle pas, ce sont les gènes qui s’expriment et transcendent le silence. Les enfants de survivants, en plus de porter le traumatisme de leurs parents sous l’effet de leur éducation, sont aussi marqués de façon innée par ce traumatisme. Si les effets épigénétiques d’un traumatisme s’estompent au bout de la troisième génération, il n’en reste pas moins que plusieurs générations vivent dans la même peur que leurs ascendants, en plus du silence qui n’est qu’une bombe à retardement. Cependant, il est important de rappeler que l’épigénétique est une discipline qui s’est réellement développée et imposée en biologie depuis la fin des années 1980. L’épigénétique est encore discutée et controversée au sein de la communauté scientifique, et reste expérimentale, extrapolée à partir de modèles animaux. Ainsi, les études qui s’appuient sur l’épigénétique sont souvent récentes, en particulier celles qui concernent le génocide arménien.
Dans le cas différent des enfants arméniens volés durant le génocide, la présence d’un mal-être ancré est certaine mais difficile à exprimer. Le documentaire “L’héritage du silence”, réalisé par Guillaume Clere et Anna Benjamin, retrace la vie de quatre turcs et kurdes, qui découvrent tardivement qu’ils sont également arméniens. Ils tiennent leur origine d’un parent ou d’un grand-parent, qui a caché son identité arménienne afin de survivre durant le génocide et de préserver sa décendance. Apprendre ses origines arméniennes au cours de sa vie est un choc, au vu de la violence du génocide arménien, mais permet de mieux comprendre ce mal-être jusque là inexplicable.
Néanmoins, il est important de noter que plusieurs témoignages, dans un premier temps en arménien, sont récoltés oralement pendant la Première guerre mondiale, par des prêtres. Puis, certaines victimes racontent leur histoire à la fin du conflit. Ces témoignages sont peu étudiés et traduits. Pourtant, ces premières prises de paroles constituent un élément très important dans la transmission de la peur et du traumatisme, car elles permettent de faire le premier pas pour sortir le génocide arménien de l’oubli et du silence. Mais à cause de la “loi du silence”, une expression utilisée pour parler du négationnisme turc, beaucoup de ces témoignages tombent dans l’oubli: Mustapha Kémal annule en 1923 le traité de Sèvres de 1920, qui envisageait la création d’un État arménien en Anatolie. Cela a pour effet de mettre fin prématurément aux discussions sur le génocide arménien. Longtemps réduites au silence, les victimes prennent peu à peu la parole, plus tard au cours du XXe siècle. Cela commence véritablement au moment du procès de Nuremberg, où sont jugés les coupables et auteurs du génocide juif. A ce moment, Chavarche Missakian, directeur du quotidien arménien “Haratch” de Paris prend la parole: “Nous suivons le procès de Nuremberg et notre esprit nous tire vers un monde lointain, où s’est commis il y a trente ans un crime de la même espèce… Si seulement pouvaient être jugés et punis les auteurs de génocide !”.
Après avoir été réduites au silence, les victimes prennent la parole afin de raconter le récit de l’expérience de cette catastrophe. Pendant des années, le traitement du silence fait naître au sein d’une certaine partie de la population arménienne une haine et une colère sans nom, qui découlent directement de la peur. Cela s’exprime de différentes manières, et dans différents contextes. Il est indéniable que dans le cadre familial, les relations en sont impactées. Lorsque ce n’est pas le silence qui règne, c’est la colère, générée par un profond mal-être. Les sentiments négatifs sont directement transmis aux descendants. Selon Hasmig Krikorian, il est souvent considéré que la première génération est silencieuse, et que la seconde génération ressasse son passé ancestral dans un climat de colère. On observe également ce phénomène de 1975 à 1985 avec une série d’attentats terroristes revendiqués par des Arméniens. Ces attentats sont dirigés par un groupsucule terroriste appelés les “Commandos des justiciers du génocide arménien”. L’impunité du génocide entraîne un désir de vengeance, animé par la peur qui est devenue colère. Pour ces enfants qui ont subi les effets post-traumatiques de leurs parents survivants, la vengeance devient inévitable pour se faire entendre. Cependant, d’autres expriment cette haine à travers les arts. Le livre de ma grand-mère, écrit par l’avocate turco-arménienne Fethiye Cetin, exprime justement ce mélange de peur et de rancœur. L’auteure y raconte l’histoire de sa grand-mère, enlevée par un soldat turc lorsqu’elle n’avait que 10 ans. Sous le poids de la peur, elle se mure dans un silence dont elle ne sort que des années après. Fethiye Cetin se constitue en porte parole de sa grand-mère: “En me révélant son histoire, elle a transmis ce poids sur mes épaules… et même si c’est très difficile, je considère que c’est une chance pour moi de connaître la vérité, je ne veux pas laisser ce problème aux générations suivantes.”. Ainsi, les survivants de la première génération ont vécu le génocide, et ils transmettent à leur descendance, la deuxième génération, les effets du traumatisme et de la peur, parfois indirectement comme évoqués précédemment. De ce fait, la troisième génération se charge de la cicatrisation des blessures anciennes, puisqu’elle n’est pas directement impactée par les conséquences du génocide arménien. Elle porte un rôle salvateur de la mémoire, qu’elle doit perpétuer pour éviter que le génocide arménien ne tombe à nouveau dans l’oubli.
La spécificité de la peur intergénérationnelle occasionée par le génocide.
Au début du XXIème siècle, le psychanalyste Carl Jung suggérait l’existence d’une structure psychique partagée par tous les membres d’un même peuple, l’inconscient collectif, qui regroupait tous les traumatismes vécus par ce peuple durant son existence. Ces traumatismes seraient refoulés collectivement et pourraient ressurgir à la surface bien des décennies plus tard sous la forme de réactions de terreur, de dépersonnalisation, de dépression et de culpabilité. Ce concept de traumatisme intergénérationnel a pendant longtemps été critiqué pour le manque de fondement scientifique de la méthode psychanalytique, et il a fallu attendre l’après-guerre pour voir les premières études empiriques à ce sujet. L’étude empirique de la transmission intergénérationnelle d’un traumatisme profond a pris naissance dans les années 60 alors qu’une proportion anormalement élevée d’enfants de survivants de la Shoah (l’extermination planifiée des Juifs par les Nazis au cours de la seconde guerre mondiale), suivaient des traitements psychiatriques dans des cliniques nord-américaines. Les thérapeutes de ces enfants en sont venus à identifier une “conspiration du silence”, qui serait à l’origine de la transmission intergénérationnelle de ce traumatisme. Pour commencer, les personnes affectées par ce génocide se trouvent dans l’incapacité de partager des expériences extrêmement douloureuses, les incitant à éviter de traiter le sujet du traumatisme. Le mutisme qui s’établit au sein de la famille constitue une source majeure d’inquiétude pour l’enfant, qui adopte ainsi le traumatisme parental comme s’il l’avait lui-même vécu. Concernant les symptômes, les enfants de survivants révèlent une susceptibilité accrue à la dépression, à l’anxiété et au trouble de stress post-traumatique déjà présents chez leurs parents. Ces enfants seraient nettement plus affectés par la négligence parentale et les abus psychologiques et éprouveraient davantage de difficultés à exprimer leurs émotions et à modérer leur agressivité. Certaines recherches soutiennent que leur estime personnelle serait inférieure à celle de la population générale.
Durant les années 1980, quelques chercheurs ont contesté le caractère inéluctable du traumatisme intergénérationnel. En réalité, des études ont prouvé que l’apparition des trois symptômes chez les enfants de survivants dépend principalement des attitudes parentales en ce qui concerne la communication du traumatisme aux enfants. Les parents faisant preuve de résilience et communiquant leur traumatisme de manière ouverte et sans pathos réduisent considérablement la probabilité de symptômes traumatiques chez leurs enfants, contrairement à ceux qui refusaient d’en discuter, n’en parlaient qu’à des tiers ou optaient pour un discours agressif et fragmenté. L’analyse de la transmission intergénérationnelle du traumatisme par les survivants de l’Holocauste a ouvert la voie à l’examen du phénomène au sein d’autres peuples ayant subi un génocide, tels que les Autochtones du Canada, les Cambodgiensou les Arméniens.
Bien que plusieurs études traitent du traumatisme intergénérationnel chez les descendants de survivants de l’Holocauste, les rescapés du Génocide arménien n’ont pas reçu la même attention scientifique. Les recherches concernant ce génocide sont relativement limitées, avec les premières coïncidant avec le début de sa reconnaissance internationale dans les années 1980. Les enquêtes menées depuis lors révèlent que les descendants des rescapés du Génocide arménien présentent des symptômes très similaires à ceux associés à l’Holocauste. Progressivement, l’étude du traumatisme intergénérationnel s’est élargie pour englober les générations ultérieures. Les résultats indiquent que les manifestations cliniques du stress post-traumatique diminuent progressivement, disparaissant même au sein de la troisième génération.
Néanmoins, le thème du traumatisme continue d’engendrer une détresse psychologique notable chez plusieurs d’entre eux. Selon Perlstein et Motta, le transfert du traumatisme ne découlerait pas de la conscience d’être un descendant d’un rescapé d’un génocide, mais plutôt de l’expérience d’appartenir à la communauté culturelle qui a été la victime du génocide. En d’autres termes, un individu sans ancêtre survivant d’un génocide peut présenter des symptômes traumatiques secondaires en s’identifiant simplement à cette culture.
La diaspora des descendants des victimes du génocide : entre peur et acculturation
Le génocide a poussé de nombreux arméniens à quitter l’Anatolie. En quête de sécurité, une grande partie de la population arménienne a quitté la région mère et s’est éparpillée dans le monde entier – principalement au Moyen-Orient ou dans les Balkans. Ainsi s’est constituée petit à petit une diaspora arménienne dont le vécu et les répercussions psychiques ne sont pas les mêmes. En découle alors la notion d’acculturation.
L’acculturation est décrite comme une série de «phénomènes découlant du contact direct et constant entre des groupes d’individus issus de cultures distinctes, et les modifications ultérieures des schémas culturels d’origine de l’un ou des deux groupes». Les premières recherches considéraient l’acculturation comme un processus linéaire s’orientant vers l’assimilation à la culture d’accueil. Néanmoins, ce n’est que dans les années 70 que des modèles bidimensionnels sont venus nuancer le modèle linéaire traditionnel. Effectivement, les scientifiques ont observé que les migrants ne renoncent pas entièrement à leur culture d’origine mais essaient plutôt de la concilier avec celle du pays d’accueil. Les recherches portant sur la relation entre l’impact du traumatisme intergénérationnel et l’acculturation d’un groupe ethnique sont rares. Le phénomène d’acculturation, ici, impacte clairement le groupe d’individus identifiés. En effet, les personnes impactées par les symptômes de stress secondaires ont tendance à essayer de se détacher de leur culture aux aspects traumatiques pour se rattacher à celle de leur pays d’accueil. L’acculturation serait donc une méthode d’adaptation pour les Arméniens de toutes générations cherchant à se forger une nouvelle identité, loin de la douleur du passé.
Il faut noter que les génocides subis par divers groupes ethnoculturels ne sont pas aisément comparables étant donné les contextes socioculturels et psychologiques distincts. Ainsi, Kirmayer, Gone et Moses (2014) identifient deux types de traumatismes intergénérationnels liés au génocide.
Le traumatisme cumulé implique des stratégies d’assimilation forcée et de relocalisation dans des réserves, s’étalant sur une longue période de temps. Les Premières Nations et les Aborigènes d’Australie ont vécu un traumatisme cumulé, car le pouvoir colonial a pendant longtemps cherché à supprimer leur identité culturelle (au Canada, par exemple, par l’établissement de pensionnats autochtones). En manque de repères culturels et d’organisation communautaire solide, les survivants perpétuent ainsi un cycle de violence structurelle et de négligence familiale qui sera transmis à leurs descendants. Parmi les rares études ayant été conduites en lien avec l’acculturation, les résultats obtenus sont assez intéressants. Chez les Autochtones des États-Unis, les membres qui intègrent autant la culture amérindienne que la culture blanche sont ceux qui rapportent le moins d’expérience du traumatisme intergénérationnel ou qui manifestent le plus de résilience et de bien-être psychologique.
Les seules études qui se sont penchées sur la perception de l’impact du Génocide de 1915 sur l’acculturation des Arméniens et leur niveau de bien-être offrent des résultats mitigés.
Discussion et Conclusion
L’étude met donc en avant deux objectifs. Premièrement, elle détermine le niveau de connaissance et de conscience du génocide arménien de 1915 ainsi que son impact sur le bien-être psychologique des Arméniens. Deuxièmement, l’enquête examine le rapport entre le traumatisme intergénérationnel vécu par les générations ayant survécu au génocide et l’acculturation des Arméniens. Plus précisément, nous cherchons à démontrer si un individu arménien possédant un style d’acculturation spécifique serait davantage sensible aux effets du traumatisme. Les Arméniens qui ont adopté un style d’intégration à une nouvelle culture “hôte” pourraient alors présenter une détresse psychologique moindre.
Un siècle plus tard, le génocide arménien continue d’exercer une influence significative sur la conscience collective des Arméniens, y compris ceux qui résident au Canada. Bien que les répercussions du génocide soient moins perceptibles sur le plan psychologique, elles pèsent toujours fortement sur l’acculturation de la diaspora arménienne au sein des sociétés d’accueil, et plus précisément sur la manière dont les Arméniens considèrent leur identité ancestrale. En tant qu’événement effrayant à grande échelle, le génocide rappelle à ceux qui l’ont subi l’importance de rester attaché à ses racines et comment les traumatismes extrêmes peuvent inciter une communauté à être davantage engagée dans la transmission de sa culture aux jeunes générations, et plus soudée que jamais pour que sa souffrance soit reconnue officiellement par la communauté internationale.
D’autre part, il est essentiel de mettre en lumière à quel point les descendants des survivants ont des préoccupations similaires à celles de la société d’accueil. Malgré le poids de leur passé collectif, ces individus contribuent constamment à l’amélioration de la vie sociale dans le présent. Cela démontre que la communauté arménienne continue d’écrire son histoire, une histoire qui ne se définit pas uniquement par le génocide, mais également par des aspects positifs dont ils souhaitent faire profiter non seulement leurs membres, mais aussi le reste de la population. Le traumatisme intergénérationnel est un phénomène complexe qui ne se manifeste pas forcément de la même manière d’une communauté culturelle à une autre, ni même d’une génération à une autre. Toutefois, son principe demeure le même : chaque génération est touchée par les expériences vécues par la génération précédente, et celles-ci continuent d’influer sur la façon dont la communauté perçoit collectivement le monde qui l’entoure (intervient alors ici, la notion clé de transmission intergénérationnelle de la peur).
Bibliographie :
Sites Internet :
Le génocide arménien (1915-1916) : détails https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/the-armenian-genocide-1915-16-in-depth
Les Kurdes, dans la peur de vivre demain ce que les Arméniens ont vécu hier : https://www.slate.fr/story/208250/turquie-kurdes-armeniens-genocide-guerre-malediction-morts-deni-pkk-joe-biden
Causes et conséquences du génocide arménien :
http://cdcapaca.chez.com/archives/genocide/causes_consequences.htm
L’affaire sur l’islamisation des Arméniens :
Les Arméniens islamisés :
L’Arménie célèbre les massacres de 1915 : https://www.lexpress.fr/informations/l-armenie-celebre-les-massacres-de-1915_887237.html
Commémoration du génocide des Arméniens : « Cent ans après, les Arméniens n’oublient pas » :
Rapport sur la situation des Arméniens de Turquie, dans Outre-Terre :
Témoins du Génocide arménien:
La transmission transgénérationnelle des traumatismes et de la souffrance non dite:
La turquie candidate et le génocide des arméniens:
Les effets de la haine chez les héritiers du génocide des Arméniens:
L’action du Comité de défense de la cause arménienne et la reconnaissance du génocide des Arméniens:
Témoignages des rescapés du génocide arménien:
Thèses/Mémoires :
The intergenerational transmission of trauma among second, third, and fourth generation armenian genocide survivors, Romi Mouhibian (2016) :
Intergenerational trauma among second, third, and fourth generation armenian genocide survivors, Lucia Haladjian (2020) : https://www.proquest.com/openview/0ef935a6536b6fe9f91029f5cc5743ec/1?pq-origsite=gscholar&cbl=18750&diss=y
Le traumatisme du Génocide arménien de 1915 et l’acculturation des Arméniens à Montréal, Françoise Garabed (2018) : https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/22229/Garabed_Fran%C3%A7oise_2018_M%C3%A9moire.pdf?sequence=4&isAllowed=y
Webinaire :
Genocide and Intergenerational Trauma : The Armenian & Jewish Experiences, USC Casden Institute (2021) : https://www.youtube.com/watch?v=ddY7tnde7d4&ab_channel=CasdenInstitute
Livres :
Fethiye Çetin, Les petits enfants (2009)
Fethiye Çetin, Le livre de ma grand mère (2004)
Hasmig Krikorian, Les lettres de la SFP No. 30/2013 – L’identité (2013)
Grégoire Balakian, Le Golgotha arménien (2002)
Documentaire :
Clere et Anna Benjamin, L’Héritage du silence (2015)
Bonjour,
Bravo, un travail riche,
une documentation fine.
Beau travail de mémoire !
A. F